

À qui s’adresse cet article ? Aux dirigeants et responsables métiers désireux de mieux appréhender la nouvelle génération d’automatisation intelligente, véritable révolution pour optimiser la productivité et redéfinir les rôles au sein de leur organisation.
Temps de lecture approximatif : 5 min
En résumé pour ceux qui n’ont pas le temps : l’agentique marque un saut technologique, allant au-delà de la simple automatisation (RPA, chatbots). C’est l’art de faire collaborer des agents d’intelligence artificielle autonomes capables de prendre des décisions, de communiquer entre eux et d’accomplir des missions complexes. Ce changement de paradigme transforme les rôles (l’humain devient « chef d’orchestre » et l’expert devient « architecte d’agents ») et soulève des questions stratégiques importantes, notamment sur la meilleure voie pour l’entreprise : développer ses propres agents (Build) pour un contrôle total ou consommer ceux des fournisseurs (Buy) pour une rapidité d’accès.
Qu’est-ce que l’agentique ?
Le concept de « travail augmenté » était jusqu’à récemment circonscrit soit à la mise en œuvre de démarches d’efficacité méthodologiques telles que le Lean, soit à des logiques d’automatisation déterministes telles que les chatbots ou la RPA (Robotic Process Automation) dont le développement et l’exécution reposent sur des règles prédéfinies et sans autonomie de décision.
Aujourd’hui, une nouvelle frontière est franchie avec l’agentique, qui consiste à faire collaborer un ou plusieurs agents IA dotés d’un niveau d’autonomie significativement plus élevé leur permettant de prendre des décisions, de planifier des actions, d’adapter leurs stratégies et d’accomplir ainsi des missions d’une complexité accrue. Ce changement de paradigme redéfinit la productivité en entreprise, restructure en profondeur les métiers, et soulève de nombreuses questions structurantes.
L’agentique est l’art de faire collaborer des agents d’intelligence artificielle autonome. Chacun d’eux est un programme capable d’interagir avec son environnement, de disposer d’une mémoire, et de planifier des actions pour atteindre un objectif. L’innovation majeure réside dans leur capacité à interagir, communiquer et s’organiser entre eux, à la manière d’une équipe coordonnée de spécialistes humains. Les ingrédients clés de l’agentique sont les suivants :
- Les outils à disposition des agents (capacité d’Action) : pour agir efficacement, les agents ont accès à des moyens d’action concrets, comme les recherches en ligne, la manipulation ou la transformation de fichiers. Cette capacité est aujourd’hui standardisée par le Model Context Protocol (MCP), un protocole qui fournit aux agents les droits et moyens d’agir sur des systèmes externes. Le MCP est en quelque sorte le “port USB de l’Agent IA”, permettant aux agents de se connecter à n’importe quel serveur MCP qui expose les capacités d’un outil de manière standardisée.
- La collaboration entre agents (Communication) : c’est le cœur de l’agentique. Pour assurer une communication efficace et sécurisée, différents protocoles sont utilisés, comme l’A2A (Agent to Agent). Ce protocole standardisé permet aux agents d’échanger informations et instructions de manière asynchrone, et de travailler en parallèle, de manière sécurisée et sans intervention humaine constante.
- L’orchestration par l’humain (Supervision) : l’humain reste le chef d’orchestre qui définit le scénario, lance la mission en temps voulu et coordonne les actions des agents pour atteindre un objectif global. Des solutions telles que UiPath (leader mondial de l’automatisation et pionnier de l’agentique), n8n ou Make (solutions low-code) permettent de prototyper et d’automatiser ces flux de travail complexes.
Deux types d’agentique se distinguent actuellement, avec deux usages principaux :
- Applications grand public et métier : pour automatiser des tâches complexes dans des applications. Par exemple, l’AG UI (Agentic User Interface) permet à un utilisateur de modifier l’interface de son espace client simplement en « parlant » à un agent. Le protocole MCP-UI (une extension du MCP) permet à un agent de générer des composants interactifs, comme des fiches produit enrichies sur une plateforme (telle que Shopify par exemple), pour offrir une expérience d’achat riche et visuelle.
- Codage et développement logiciel : des agents sont utilisés en interne pour accélérer le développement. Un agent chef de projet (Tech Lead Orchestrator) traduit les spécifications en un plan détaillé. Ensuite, une équipe parallèle d’agents spécialisés (développeurs frontend/backend, architecte API…) exécute simultanément ses tâches sous la supervision d’un orchestrateur central (comme Claude Code ou Gemini CLI).
Une nouvelle ère de productivité et de redéfinition des métiers
L’agentique constitue une transformation profonde des façons de travailler. Le rôle de l’expert évolue, passant du « faiseur » au « maître d’œuvre », concentré sur la stratégie et la supervision.
● Les développeurs deviennent des architectes d’agents. Au lieu d’écrire du code ligne par ligne, ils conçoivent et supervisent des équipes d’agents IA, qui peuvent s’occuper du front-end, du back-end, de la gestion de bases de données et de la rédaction de documentation technique en parallèle.
● L’équipe marketing peut par exemple créer un « workflow » où un premier agent analyse les données d’une campagne, un deuxième rédige des textes pour un A/B test, et un troisième ajuste le budget. Le marketing manager se concentre alors sur la vision stratégique.
● Les responsables de projet deviennent des « gestionnaires d’équipe mixte ». Un agent de planification peut mettre à jour le calendrier du projet et générer des rapports. Les responsables de projet se concentrent sur les interactions avec les parties prenantes et la gestion des imprévus.
Cela soulève bien entendu des questions pour le monde du travail. La formation continue et la montée en compétences deviennent un impératif, tout comme la définition de nouveaux critères de performance et de reconnaissance. Il est également crucial de créer une culture d’entreprise dans laquelle les agents sont perçus comme des amplificateurs de compétences et non comme des menaces. Ceci passe par la mise en œuvre de logiques d’acculturation, de temps de dialogues dédiés au sein des entreprises, d’échanges avec les partenaires sociaux.
La réalité de l’agentique en entreprise
Un choix conséquent quant aux options d’intégration en entreprise…
Les entreprises peuvent appliquer plusieurs stratégies pour intégrer l’agentique dans leur organisation. Le choix repose sur un arbitrage entre plusieurs critères tels que maîtrise technique, rapidité de déploiement et investissements à consentir, en tenant compte également de la maturité de l’entreprise sur ces sujets.
1. Le développement interne avec maîtrise du workflow (Make/Build)
Cette approche consiste à développer ses propres agents IA en interne en gardant la propriété et le contrôle total du flux de travail. Elle offre une maîtrise complète sur la conception et la personnalisation des agents et de l’environnement technique, garantissant un alignement parfait avec les besoins, les contraintes et les processus spécifiques de l’entreprise.Ceci exige cependant des investissements souvent plus importants en termes de temps (montée en compétences, définition de l’architecture IT…), de compétences techniques et de ressources (humaines et techniques). Trois catégories d’outils se distinguent :
- Des plateformes d’automatisation d’entreprise telles qu’UiPath ou Power Platform : elles offrent un écosystème prêt à l’usage et sécurisé, permettant d’accélérer drastiquement le Go To Market et de considérer des déploiements à grande échelle. Elles fournissent les briques de gouvernance, d’infrastructure, d’intégration et d’orchestration nécessaires.
- Des plateformes Low-Code : elles permettent également la réalisation d’agents avec un niveau de maîtrise accru du cycle de développement. Leur vocation principale est la flexibilité et le prototypage rapide, se concentrant sur l’intégration d’applications et l’automatisation de flux plus ciblés (bien qu’elles proposent de plus en plus d’options pour adresser des cas d’usage de plus en plus complexes).
- En dehors de l’utilisation de plateformes, il reste possible de recourir à un mode de développement “full custom” : cela implique de construire une architecture agentique complète en combinant des langages de programmation traditionnels (Python, Java…) avec des librairies ou des frameworks techniques spécifiques (LangChain, CrewAI, AutoGen…). Ce modèle offre une flexibilité maximale dans la personnalisation et l’intégration à l’écosystème technique des clients, mais exige une gestion en totale autonomie de l’infrastructure technique pour déployer et opérer les agents, ce qui nécessite un niveau de maturité technique avancé. Si l’on considère la relative maturité du secteur et l’évolution rapide des technologies et des frameworks, cette stratégie “full custom”, si elle est mal gérée, pourrait également entraîner une dette technique accrue.
2. Consommation d’Agents fournisseurs d’IA (Buy/Consume)
Une autre possibilité est de capitaliser sur les capacités agentiques proposées par de grands acteurs de l’IA. Ces plateformes LLM telles que Google (Gemini, Vertex AI), Microsoft (Copilot Studio) ou OpenAI (Assistants API, ChatGPT Agent) ne fournissent plus seulement des modèles, mais aussi leurs propres agents ou outils de création d’agents intégrés.Ces solutions offrent un accès rapide et facile à une intelligence avancée, car l’entreprise peut directement consommer les agents du fournisseur ou les créer rapidement dans leur écosystème. La collaboration entre agents est simplifiée par les protocoles et les outils natifs de ces plateformes, mais la personnalisation des agents est limitée par les fonctions et les données accessibles via le fournisseur. De plus, le fait de dépendre de ces plateformes pour l’exécution et le raisonnement soulève des questions de souveraineté des données et de résilience, car l’entreprise « achète » l’intelligence sans la maîtriser totalement.
3. Agents spécialisés intégrés au Métier (Embedded Agents)
Enfin, les entreprises peuvent opter pour des agents spécialisés proposés par des éditeurs de logiciels métier, qui intègrent des agents d’IA directement dans leurs applications (par exemple, la gestion de la relation client). Ces solutions sont majoritairement conçues pour des usages très précis. L’intégration est souvent simple, mais elle peut parfois lier l’entreprise à l’écosystème de l’éditeur. Conscient de ces limitations, de nombreux éditeurs comme Salesforce adoptent une architecture de plus en plus ouverte afin de faire bénéficier à leurs clients d’un potentiel augmenté.
En conclusion de ce premier volet

L’agentique offre des leviers de croissance et de productivité inédits, mais son déploiement pose des questions stratégiques : quelle est la bonne voie pour l’entreprise, entre la maîtrise technologique totale (Build) et la rapidité d’accès (Buy) ?
Ces choix, complexes et cruciaux pour l’avenir de l’entreprise et de l’humain en son sein, ne sont pas sans risques.
Chez Silamir, nos experts en Transformation, Data, IA, Process Intelligence et Agentique travaillent de concert avec nos experts métiers pour analyser l’ensemble de ces enjeux et accompagner les entreprises dans la prise de décisions stratégiques comme technologiques, selon une approche agnostique, réfléchie et pérenne.
Nous explorerons dans un prochain article les défis humains, éthiques, de sécurité et organisationnels qui pèsent sur l’adoption de l’agentique, ainsi que la feuille de route pour une transformation réussie.