Comment déployer une formation prenant (vraiment) en compte les besoins des apprenants ? 
Par Valéry NGUYEN – Directeur général de la business unit Silamir Learning Solutions 

J’ai récemment écouté un podcast sur l’entreprise Balzac qui explique comment la marque sort ses produits en écoutant vraiment ses clients, au point de les solliciter sur des choix stratégiques comme la délocalisation de sa production au Portugal.
Depuis mon poste d’observation, je me suis posé cette question : comment déployer une formation prenant (vraiment) en compte les besoins des apprenants ?

Ce qui est étrange avec la formation c’est de se passer autant des besoins exprimés par les apprenants. Comme si une marque de mode proposait un nouveau sac à main en s’affranchissant des tendances de la mode. Dingue… Et pourtant c’est ce qui se passe pour la plupart des formations d’après l’étude L&D mismatch. Au-delà de l’impression immédiate (souvent positive) d’une formation, la grande majorité des apprenants (63% en France) ont comme un doute sur l’application immédiate de leurs acquis.

Nous vivons en fait un véritable paradoxe. La formation est une préoccupation omniprésente au sein des entreprises et jamais il n’a été aussi facile de développer ses compétences, dans un contexte professionnel ou pour soi-même.
Pour autant, et malgré l’abondance des dispositifs, rares sont les expériences qui changent véritablement les compétences des personnes. Pourquoi ? Les raisons sont multiples, mais je voudrais aujourd’hui vous livrer l’un des éléments qui selon moi créent un vrai “disconnect” entre les moyens mis à disposition et leurs résultats tangibles pour la personne et l’entreprise.

Faire confiance aux collaborateurs pour exprimer ce dont ils ont besoin

La clé de ce disconnect est selon moi la non-prise en compte des besoins. A la différence du choix d’un produit de grande consommation, qui répond à des motivations assez émotionnelles, la démarche de formation est un exercice plutôt cérébral. Peut-on se faire confiance pour savoir ce qui est bon pour soi ? Et pour ceux qui interrogent les apprenants : comment prendre en compte ces souhaits en restant proches des apprenants sans tomber dans la haute couture pédagogique?

Un premier élément de réponse nous est apporté par les neurosciences : en moyenne, les personnes sont assez objectives lorsqu’il s’agit de s’auto-évaluer. Il existe évidemment des biais cognitifs lorsqu’il s’agit de soi mais, de façon générale, les personnes – surtout lorsqu’il s’agit d’un groupe réuni dans un contexte bien ciblé – fournissent des réponses exploitables dès lors qu’on leur pose les bonnes questions…

Créer un environnement sécurisant pour capter les besoins des apprenants

Car la façon dont on va poser la question conditionne évidemment beaucoup la qualité et l’exactitude de la réponse. Au-delà de la croyance générale qu’une personne au sein d’un groupe ciblé sait ce qui est bon pour elle, la meilleure façon d’objectiver la remontée des besoins est de créer un environnement d’évaluation qui soit à la fois sécurisant et bienveillant.

Comment faire ? De manière contre-intuitive, le manager d’un collaborateur n’est pas le mieux placé pour apporter cette objectivité, car l’inclusion du manager créera pour le coup une relation biaisée ressemblant à un échange sur la performance du collaborateur. Or, la démarche d’engagement sur les compétences doit prendre en compte le besoin de se former pour soi et son employabilité (63,51%) autant que son application immédiate dans son travail (70,38%). Je veux avoir le sentiment de progresser dans l’absolu et entretenir ma motivation grâce à une reconnaissance de mes compétences nouvellement acquises.

Quelles motivations principales vous poussent à suivre une formation sur votre lieu de travail – Source: 360L

 

Le quiz d’auto-positionnement comme point de départ 

Dès lors, comment faire pour créer cet environnement d’objectivité ? Nous déployons souvent des quiz d’auto-positionnement pour recenser les besoins de formation. Notre façon de le faire est quasi binaire : demander si oui ou non les compétences sont observées, ressenties, ancrées et in fine transforment le geste suite à la formation (vous aurez peut-être reconnu le modèle Kirkpatrick dans cette démarche).

L’autre élément d’objectivité est le caractère confidentiel et anonyme de ce type de questionnaire. Dans les entreprises où ce dispositif est déployé, seuls les HRBP (HR Business Partners) ont accès au résultat individualisé du quiz et, ce faisant, peuvent déployer des actions de suivi : entretien de débrief 1to1, baromètre de tendances, mentorat, coaching et évidemment parcours de formation personnalisé.

Je terminerai pas ce dernier point : le bénéfice du déploiement du quiz d’auto-positionnement est de fournir de la matière à l’apprenant et à l’entreprise pour proposer des parcours de développement personnalisé (à ne pas confondre avec individualisé).

On pourra alors créer des personas et mettre en face des solutions pédagogiques correspondant à 5 ou 6 situations dans l’entreprise : vouloir passer à l’étape supérieure de sa mission et de son job en acquérant de nouvelles compétences, vouloir faire un pas de côté et explorer une autre facette de son travail (exemple : passer du commercial au marketing), avoir envie de se reconvertir en restant dans son entreprise et en capitalisant sur son vécu et réseau (exemple : passer d’une fonction opérationnelle terrain à une fonction siège), vouloir faire du management en expérimentant de nouvelles situations (le cas du passage de collaborateur à manager de proximité), etc.

Conclusion : on interroge ou pas ? 

A l’approche de la fin d’année, les experts de la formation réalisent la consolidation des fameux besoins de formation pour l’année prochaine. Bien souvent, l’exercice ressemble à un empilement de souhaits duquel on doit ressortir le plus grand dénominateur commun : management, techniques de vente,  acculturation data…

Pourquoi ne pas ajouter à cet exercice une phase de boucle retour avec les apprenants au travers de ce quiz d’auto-positionnement ? Vous pourrez ensuite personnaliser vos propositions aux métiers en créant des formations modulaires et, ce faisant, vous rapprocher des besoins (vraiment) exprimés par les apprenants.